Pourquoi une chirurgie aux mâchoires?
Bien qu’on ne soit jamais trop vieux pour entreprendre un traitement d’orthodontie, les traitements chez les adultes sont parfois plus complexes à la suite d’une détérioration progressive de l’état de leur bouche. Voici quelques points concernant les déséquilibres entre les mâchoires et la chirurgie.
Comment procède-t-on?
Les traitements d’orthodontie combinés à la chirurgie se font par étapes.
- La préparation orthodontique est l’étape initiale où des appareils correcteurs fixes (broches) sont utilisés pour aligner les dents et préparer la dentition à la chirurgie. Cette étape peut prendre en moyenne de 12 à 18 mois.
- La phase chirurgicale, effectuée par un chirurgien maxillo-facial, a pour but de corriger la position des mâchoires une fois les dents alignées.
- Après la chirurgie, la finition orthodontique vise à compléter les corrections dentaires pour améliorer l’occlusion et s’assurer de la stabilité des mâchoires. Cette étape dure quelques mois.
- Si une chirurgie est indiquée, il est habituellement nécessaire d’avoir aussi recours à l’orthodontie pour corriger les malpositions dentaires avant de corriger la relation des mâchoires.
Quels sont les risques?
- Les chirurgies aux mâchoires comportent certains risques normaux inhérents à toute intervention chirurgicale.
- Une anesthésie générale est nécessaire pour les chirurgies orthognathiques, ce qui comporte aussi certains risques.
- Ces interventions sont faites par des chirurgiens d’expérience; elles sont pratiquées depuis plusieurs années et sont maintenant routinières.
- Vous rencontrerez un chirurgien maxillo-facial qui vous expliquera les détails de l’intervention planifiée, les risques et bénéfices qu’elle comporte et répondra à toutes vos questions d’ordre chirurgical.
Quel est le coût d’une chirurgie?
- Au Québec, la plupart des chirurgies majeures aux mâchoires sont couvertes par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
- Certains frais non couverts sont cependant exigés par les chirurgiens.
- Une consultation avec le chirurgien vous donnera toute l’information concernant les aspects financiers des chirurgies.
Les exemples suivants montrent des déséquilibres entre les mâchoires qui nécessitent de l’orthodontie et une chirurgie à une ou aux deux mâchoires.
Mâchoire inférieure trop reculée (rétrognathie mandibulaire – Classe II)

Rétrognathie mandibulaire sévère (recul de la mâchoire du bas) chez une patiente de 31 ans. Les dents inférieures mordent dans le palais et celles du haut sont avancées de 14 mm. Une chirurgie est nécessaire pour avancer la mâchoire inférieure trop reculée.

Profil avec menton reculé. La radiographie montre une mandibule trop courte et reculée qui contribue à l’écart important entre les dents du haut et celles du bas. Le diagramme montre le mouvement qui doit être effectué en chirurgie pour avancer la mâchoire.

Après le traitement d’orthodontie et un avancement de la mâchoire inférieure (chirurgie), le profil du visage, l’esthétique et la fonction de la dentition sont améliorés significativement.
Ostéotomie sagittale mandibulaire
L’intervention la plus utilisée par les chirurgiens maxillo-faciaux pour corriger les déséquilibres squelettiques antéro-postérieurs (avant-arrière) de la mandibule est appelée une ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire. Cette intervention permet d’avancer la mandibule et l’allonger dans les cas où elle est trop courte (rétrognathie mandibulaire, cas de type classe II) ou de la reculer et la raccourcir si elle est trop longue (prognathie mandibulaire, cas de type classe III).
Cette intervention peut souvent être faite de concert avec différents types d’ostéotomies au maxillaire supérieur si indiqué.
L’illustration ci-dessous montre une ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire. Les flèches indiquent les directions possibles des segments de la mandibule une fois les ostéotomies (coupes) faites.
- (A) La mandibule peut être avancée et « allongée » si elle est trop courte (classe II – rétrognathie mandibulaire).
- (B) Dans les cas de classe III avec prognathie mandibulaire, la mandibule peut être reculée et raccourcie. Un segment osseux doit alors être enlevé.
- (B et C) En plus de pouvoir déplacer les segments antéro-postérieurement (avant-arrière), ils peuvent être repositionnés verticalement (en hauteur) et on peut même leur donner une certaine rotation ou torsion pour optimiser la nouvelle relation entre les deux mâchoires.
- (D) Une fois les segments bien positionnés, ils sont immobilisés avec des fixations rigides (vis insérées dans l’os) qui maintiennent les segments osseux stables pendant la guérison.
➡ Pour voir une vidéo montrant un avancement mandibulaire chirurgical pour corriger une mandibule trop reculée (rétrognathie mandibulaire).
Simulation de traitement d’ortho-chirurgie
À l’aide de radiographies 3D (tomodensitométrie volumique à faisceau conique (TVFC)) et de logiciels sophistiqués, les chirurgiens maxillo-faciaux et les orthodontistes peuvent désormais évaluer les malocclusions de façon tri-dimensionnelle et planifier les interventions en chirurgie orthognathique avec une précision inégalée.

Simulation de la correction chirurgicale d’une malocclusion classe 2 ayant une béance antérieure.
➡ Pour voir des exemples de planification et simulation d’une chirurgie orthognathique complexe aux deux mâchoires.
Esthétique du sourire : trop de gencive apparente

Patient de 22 ans se plaignant de voir trop de gencive lors du sourire (photos avant le traitement).

Réduction significative de la gencive apparente à la suite d’une chirurgie à la mâchoire supérieure. L’orthodontie (4 dents ont été extraites) a permis d’aligner et reculer les dents. (Final) Fermeture de la béance antérieure à la suite de l’orthodontie et une chirurgie aux mâchoires. Il en résulte une meilleure fonction (mastication et phonétique).
Béance antérieure sévère corrigée par orthodontie et chirurgie
- L’approche traditionnelle pour corriger une béance antérieure sévère, causée par un excès vertical postérieur du maxillaire est une chirurgie orthognathique appelée « impaction maxillaire ».
- Cette procédure consiste à enlever un segment osseux de hauteur inégale à l’avant (moins) et à l’arrière (plus) (impaction maxillaire différentielle) afin de pouvoir repositionner le maxillaire en le remontant plus vers l’arrière.
- L’impaction du haut permet à la mandibule de fermer davantage et d’avancer légèrement en suivant une rotation anti horaire (auto-rotation mandibulaire).
- Les segments sont fixés à l’aide de plaquettes chirurgicales retenues par des vis. Ces plaquettes sont habituellement laissées en place à moins qu’elles ne causent des problèmes au patient par la suite.

(A) Béance antérieure causée par un excès postérieur vertical du maxillaire. Seules les dents postérieures se touchent lors de la fermeture de la bouche. (B) Coupe pour une impaction maxillaire différentielle. La partie rouge sera enlevée (ostectomie). (C) Le segment maxillaire est remonté et fixé à l’aide de plaques et de vis. Il en résulte une auto-rotation mandibulaire qui fait remonter et avancer la dentition inférieure. (D) Une fois le traitement terminé, la béance est fermée et les dents se touchent partout.

Sévère béance antérieure nécessitant de l’orthodontie et une chirurgie pour corriger la mauvaise relation entre les mâchoires d’un garçon de 17 ans.

Fermeture de la béance antérieure à la suite de l’orthodontie et d’une chirurgie aux mâchoires. Il en résulte une meilleure fonction (mastication et phonétique).

Radiographies avant et après la chirurgie et diagrammes illustrant les mouvements effectués sur les mâchoires.

(A) Sévère malocclusion de type Classe III avec constriction maxillaire, occlusion croisée et béance postérieure bilatérales et manque d’espace important. (B) La déficience maxillaire (constriction et recul du maxillaire supérieur) se reflète dans le recul de la lèvre supérieure. (C) Occlusion à la fin du traitement. Un avancement maxillaire chirurgical fut nécessaire pour avancer la mâchoire supérieure et améliorer le profil. Aucune extraction ne fut nécessaire et aucun appareil d’expansion ne fut utilisé. (D) Le résultat final montre une lèvre supérieure plus avancée et un profil plus équilibré.
La génioplastie : pour modifier le menton
Parfois, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à une chirurgie visant à avancer toute la mâchoire inférieure pour changer l’apparence d’un menton trop reculé ou fuyant. Une chirurgie d’avancement du menton (génioplastie d’avancement) peut permettre d’obtenir des changements esthétiques importants comme le démontre cet exemple.

En plus de l’orthodontie ayant corrigé la position des dents, une chirurgie d’avancement du menton (génioplastie) a permis de changer le profil de cette adolescente de 18 ans. Photos : (A) Avant l’orthodontie, (B) après l’orthodontie et (C) après la génioplastie. – (Courtoisie : Dr Sylvain Chamberland, Québec)

(A) Femme de 45 ans avec un menton reculé. La mâchoire supérieure a été « remontée » (impaction maxillaire) et le menton a été avancé (génioplastie) pour donner plus de volume et améliorer le profil. (B) La plaque et les vis chirurgicales de rétention du menton (flèche), ainsi que les vis à la mâchoire supérieure, sont visibles sur la radiographie post-opératoire.
Quand peut-on faire une chirurgie orthognathique?
- Une fois qu’il est déterminé qu’une malocclusion nécessitera une chirurgie orthognathique (diagnostic) pour être corrigée, il s’agit de décider quel type de chirurgie est nécessaire (quelle mâchoire est fautive et quels mouvements chirurgicaux doivent être faits) et quand elle pourra être faite. Tel que mentionné dans cette section, une chirurgie aux mâchoires est indiquée lorsqu’il y a un important ou grave déséquilibre entre les mâchoires dans une ou plusieurs des 3 dimensions. Afin de corriger ce déséquilibre correctement, il faut l’avoir bien identifié et évalué. Vu que les déséquilibres des mâchoires sont directement reliés à la croissance, une évaluation complète et finale ne pourra être faite que lorsque cette croissance sera terminée… complètement.
- La fin de la croissance n’arrive pas au même moment pour tous les patients. Certains ont une maturation rapide et d’autres sont plus lents. Les filles ont normalement une maturation plus rapide que les garçons. Ainsi, une fille « rapide » pourrait avoir terminé sa croissance vers 15-16 ans tandis qu’un garçon plus lent peut avoir de la croissance résiduelle à la fin de l’adolescence et même au début de la vingtaine.
- Le tableau ci-contre montre que la fin de la croissance mandibulaire antér0-postérieure ne se produit pas au même moment chez les filles et les garçons. Elle est terminée plusieurs années plus tôt chez les filles. Ceci peut être un avantage ou un désavantage selon le plan de traitement visant à corriger un déséquilibre entre les mâchoires.
- Un autre point comprendre concernant la croissance est qu’il existe plusieurs « horloges biologiques » dans le corps qui font que ce ne sont pas tous les tissus, organes et parties du corps qui croissent et leur état de maturité en même temps et au même rythme. Ainsi, la croissance squelettique, corporelle, sexuelle, cognitive, dentaire, et celle des mâchoires ne sont pas synchronisées.
- On sait que l’âge chronologique, le développement dentaire et la séquence d’éruption des dents de sont pas de bons indices de la maturité squelettique.
- Pour rendre les choses encore plus compliquées ou intéressantes (!), les 3 dimensions des mâchoires ne cessent pas de croître en même temps. La croissance en largeur et en hauteur est terminée bien avant la croissance en longueur et la plupart des problèmes squelettiques des mâchoires ont un déséquilibre dans leur longueur (excès ou manque de longueur).
Évaluation de la fin de croissance des mâchoires
- Il est donc important de déterminer que la croissance des mâchoires est belle et bien terminée avant d’envisager une chirurgie orthognathique. Il existe plusieurs moyens pour évaluer le stage de maturation squelettique d’un patient à l’aide de radiographies comme l’évaluation du développement des os du poignet ou des vertèbres cervicale (Cervical Vertebral Maturation Stage [CVMS])1, 2, 3, 4, 5 mais la façon la plus fiable est la comparaison (surimposition) de radiographies céphalométriques prises à 6 mois ou une année d’intervalle qui démontre qu’il n’y a plus aucun changement mesurable dans la dimension des mâchoires ou des structures osseuses orofaciales.8 À noter qu’une telle radiographie du crâne ne permet d’évaluer que 2 des 3 dimensions soit la longueur et hauteur des mâchoires mais, même si on ne peut y mesurer la largeur, cette troisième dimension est la première à cesser de croître et sa croissance résiduelle n’est pas un facteur aussi important lorsqu’une chirurgie orthognathique est envisagée.
- Il faut attendre la fin de la croissance pour faire une chirurgie orthognathique car si elle est effectuée avant et qu’il y a une croissance résiduelle, cela peut changer la relation des mâchoires et causer une récidive du problème qui, selon sa gravité, affectera l’occlusion, la fonction et pourrait nécessiter de refaire la chirurgie. Chez les garçons, il faut attendre au moins après l’âge de 18 ans si la fin de la croissance est essentielle pour débuter un traitement comme une chirurgie orthognathique6.
- Le traitement d’orthodontie peut cependant être débuté avant la fin de la croissance car cette phase préliminaire à la chirurgie peut souvent prendre 12, 18 mois et parfois plus afin de préparer la dentition et l’occlusion pour une chirurgie. Il ne faut par contre pas débuter le traitement trop tôt car une période d’attente pourrait être nécessaire en attendant la fin de la croissance.
- La croissance, un avantage pour les « classes 2 ». Une autre raison pour attendre la fin de la croissance est que, dans certains types de cas, cette dernière peut aider à corriger un problème de déséquilibre de mâchoire et être avantageuse, surtout dans la dimension sagittale (longueur) comme lorsqu’une mandibule est trop courte (rétrognathie mandibulaire). Les cas de malocclusion de type classe 2 sont des exemples typiques. Il est donc important d’utiliser le maximum du potentiel de croissance dans de tels cas avant d’envisager une chirurgie. Ainsi, on ne recommandera pas une chirurgie à un adolescent de 13, 14 ou 15 ans, même s’il présente un décalage de 10 – 12 mm entre ses mâchoires.
- Dans d’autres cas comme les malocclusions de type « classes 3 » causées par une mandibule trop forte (prognathie mandibulaire) ou un maxillaire supérieur trop court (déficience maxillaire), ou une combinaison des deux, une croissance mandibulaire restante peut être désavantageuse et « nuisible » car elle ne ferait qu’empirer le décalage entre les mâchoires et rendre la correction plus difficile.
- Présentement, il n’existe aucune méthode pouvant prédire la quantité de croissance craniofaciale totale qu’aura un patient ultimement7. Cette inhabilité à prédire la quantité de croissance chez les jeunes patients présentant un déséquilibre squelettique maxillo-mandibulaire important est un défi particulier et problématique car le praticien doit choisir s’il opte pour une thérapie visant à modifier la croissance (« growth modification ») ou une approche chirurgicale, ce qui est loin d’être simple7.
➡ Pour en savoir plus sur la croissance des mâchoires en 3 dimensions.
➡ Pour voir d’autres cas de chirurgie au menton.
➡ Pour voir d’autres cas traités en orthodontie et chirurgie.
➡ Pour en savoir plus sur la croissance et le développement des mâchoires des enfants.
Références :
1-Lamparski, D.G. Skeletal age assessment utilizing cervical vertebrae [dissertation]. University of Pittsburgh, Pittsburgh; 1972
2- Baccetti, T., Franchi, L., and McNamara, J.A. Jr. An improved version of the cervical vertebral maturation (CVM) method for the assessment of mandibular growth. Angle Orthod. 2002; 72: 316–323
3- Lamparski, D.G. Skeletal age assessment utilizing cervical vertebrae. Am J Orthod. 1975; 67: 458–459
4- J.A. McNamara Jr., K.A. Kelly, A. Ferrara (Eds.) Treatment timing: orthodontics in four dimensions. Craniofacial Growth Series. Center for Human Growth and Development; University of Michigan, Ann Arbor; 2002
5- Baccetti, T., Franchi, L., McNamara, J.A. Jr. The cervical vertebral maturation (CVM) method for the assessment of optimal treatment timing in dentofacial orthopedics. Semin Orthod. 2005;:119–129.
6- Relationship between cervical vertebral maturation and mandibular growth May 2011Volume 139, Issue 5, Pages e455–e461
7- Esthetics and Biomechanics in Orthodontics, Ravindra Nanda, 2nd Edition, 2014
8- Kokich VG, Managing complex orthodontic problemsL the use of implants for anchorage. Semin Orthod. 1996;2(2):153-160
![]() |
➡ Dernière mise-à-jour : 2017-01-14 à 11:09:41 © Jules E. Lemay, www.ortholemay.com – Tous droits réservés / All rights reserved
Publié le : Sep 27, 2009 @ 01:39 |
Publication originale : Sep 27, 2009 @ 01:39