Les techniques d’imagerie modernes permettent d’évaluer précisément et en 3 dimensions les tissus dentaires et leur environnement mais reflètent-elles vraiment ce qui se passent cliniquement? Voici un exemple clinique intéressant et particulier.
Ce cas montre la dentition antérieures supérieure d’un adolescent de 14 ans qui a eu un accident ayant fait tomber ses deux incisives centrales (avulsion dentaire). Les 2 dents étaient complètement sorties de la bouche et ont été replacées assez rapidement (réimplantation) et immobilisées, ce qui est la procédure idéale à faire après un tel accident et maximise les chances de survie des dents affectées.
Une dent avulsée et réimplantée de la sorte est évidemment très sollicitée et les séquelles peuvent être nombreuses. Ceci peut comprendre, entre autre :
- de l’ankylose (la dent devient soudée à l’os et ne peut continuer son éruption ou être déplacée en orthodontie),
- de la résorption radiculaire ou rhizalyse interne ou externe (usure de la racine),
- de la résorption affectant la couronne de la dent (interne ou externe),
- une perte de vitalité de la dent (tous les vaisseaux sanguins et le nerf de la dent ont été complètement sectionnés), un changement de couleur (ceci nécessitera éventuellement un traitement de canal),
- de l’infection.
Suite à un tel traumatisme, il est indiqué de prendre une radiographie pour évaluer les parties non visibles des dents (racines) et l’os alvéolaire entourant les racines. Nous avions déjà une radiographie panoramique prise à l’âge de 11 ans pour évaluer la position des canines et suivre l’évolution de l’éruption des dents.

Incisives centrales supérieures avulsées et réimplantées chez un garçon de 11 ans ayant causé de la résorption radiculaire sévère à la centrale droite.
(A, B) Photos prises à l’âge de 11 ans, 3 ans avant l’accident. Bien qu’il soit difficile de le voir sur cette radiographie, les racines des incisives centrales sont intactes. On remarque aussi les canines (* bleus) qui sont incluses, inclinées vers l’avant et manquent d’espace.
(C, B) Photo et radiographie panoramique prise après l’accident et la réimplantation des centrales à l’âge de 14 ans. On remarque que la position des canines s’est significativement améliorée suite à l’extraction de dents temporaires pour aider leur éruption (extractions sélectives). On peut deviner de légères zones plus foncées sur la racine de l’incisive droite (* mauve) et un peu sur celle de gauche mais ce n’est rien de concluant.
Afin de mieux visualiser la présence et l’étendue des lésions possibles pouvant affecter les racines des dents ré-implantées, une tomodensitométrie volumique à faisceau conique (TVFC) fut prise. Un logiciel permet par la suite de modifier l’apparence des dents pour mieux percevoir les détails. Des clichés extraits de la TVFC montrent les zones de résorption affectant principalement la racine de l’incisive droite.

Comparaison entre les radiographies panoramiques (A à 11 ans et B après l’accident) et des clichés extraits de la tomodensitométrie volumique à faisceau conique (TVFC) ou radiographie 3D montrant les différentes zones de résorption radiculaire (flèches) affectant les incisives centrales, principalement celle de droite (flèches rouges). (C à G). (C) Vue du côté mésial (vers le centre de l’arcade) en coupe sagittale de l’incisive droite qui est le plus affecté par la résorption. (D) Vue occlusale montrant l’étendue de la résorption interne qui atteint la pulpe dentaire.

(A, B) L’apparence des dents est modifiée à l’aide du logiciel pour mieux percevoir les détails. Cette version donne une autre perspective en 3D sur l’étendue des dommages, principalement sur l’incisive de droite (flèches rouges). On perçoit aussi de légères zones de résorption affectant la racine de l’incisive gauche (flèches bleues). (C) Vue occlusale; la racine est « attaquée » de toutes parts!
Grâce à l’imagerie 3D, nous avons conclu que le pronostic pour que l’incisive droite soit viable et puisse subir un traitement de canal était pratiquement nul. Il fut donc décidé avec le dentiste d’extraire cette dent irrécupérable. Nous en avons alors profité pour photographier les différentes surfaces de la racine pour faire une corrélation entre ce qui fut perçu et évalué à l’aide des radiographies et la « réalité ». On réalise ainsi que l’imagerie 3D reflète très bien les dommages affectant la racine de la dent et est un bon guide pour indiquer aux cliniciens la nature et l’étendu des lésions pouvant affecter une dent.

Photos montrant les différentes surfaces de l’incisive centrale droite sévèrement affectée par de la rhizalyse ou résorption radiculaire. (A) Vue labiale. (B) Vue distale. (C) Vue linguale. (D) Vue mésiale. Les lésions perforent la racine d’un côté à l’autre.