On nous demande souvent si, lorsqu’il est indiqué d’extraire une dent de sagesse pour une raison quelconque, il est aussi indiqué ou essentiel d’extraire les autres dents de sagesse qui peuvent être présentes en bouche ou visibles sur des radiographies.
Les mêmes conditions et raisons décrites dans notre section sur les dents de sagesse s’appliquent à toutes les troisièmes molaires lorsqu’il s’agit de décider si elles doivent être extraites. Consultez cette section sur les dents de sagesse pour en savoir plus à ce sujet. Cependant, nous apportons ici des précisions sur l’impact que peut avoir sur la dentition et l’occlusion le fait d’extraire une seule dent de sagesse.
Perte d’une dent = déséquilibre dans l’occlusion
- Il est souvent indiqué d’extraire plus d’une ou toutes les dents de sagesse. Cependant, une situation particulière existe lorsqu’une seule dent de sagesse doit être extraite; la dent opposée se retrouve sans appui et peut alors continuer son processus d’éruption et créer d’autres problèmes.
- Les dents sont soumises à plusieurs forces qui agissent dans la bouche; mastication, musculature péri-orale (langue, joues, lèvre), habitudes (suçage de doigts), etc., mais toutes ces forces sont normalement en équilibre de sorte que la dentition et l’occlusion sont stables.
- Avec une dentition et occlusion normales, les dents bien alignées ont un certain « engrenage » qui permet aux dents opposées de distribuer les forces de fonction et mastication de façon optimale. Lorsque cet équilibre est perturbé par l’extraction ou la perte d’une dent, il en résulte un déséquilibre des forces et la dent opposée (sur l’autre arcade dentaire) peut tenter de « s’allonger » vers le bas (pour une dent supérieure) ou « remonter » vers le haut s’il s’agit d’une dent inférieure.
- Tout ce qui peut perturber la stabilité de la dentition a le potentiel de modifier l’équilibre des forces et d’influencer la position des dents. Ainsi, les dents opposées (sur chaque arcade) se « supportent » mutuellement pendant la fonction en opposant les forces qu’elles génèrent. Les molaires peuvent supporter des forces allant jusqu’à 120 kg!
- Si une dent est extraite et que la dent antagoniste (opposée) n’a plus d’appui, elle aura tendance à continuer son éruption jusqu’à ce qu’elle trouve un nouveau point d’appui pour l’arrêter.
- Il en est de même pour une dent de sagesse qui perce et qui n’a pas d’antagoniste. Parfois la langue s’interpose dans l’espace libre où il n’y a pas de dent et peut servir de « support » à la dent qui perce et empêche ou minimise son mouvement vertical, mais cela est difficile à prédire. Une dent qui perce ainsi peut être surveillée quelque temps avant de prendre la décision de l’extraire et si elle devient symptomatique, si elle migre, ou cause d’autres problèmes, elle pourra toujours être extraite.
- À noter que ce phénomène s’applique aussi aux dents autres que les dents de sagesse, car les mêmes forces et principes sont en jeu.

Avec une dentition et une occlusion normales, l’engrenage des dents leur permet une bonne fonction et support.
Pas seulement les dents de sagesse
- La situation décrite précédemment peut se produire avec n’importe quelle dent et non seulement dans le cas d’une dent de sagesse. Une dent qui n’a aucun appui dans l’arcade opposée ne sera pas stable avec le temps.
- S’il s’agit d’une dent de sagesse, il est souvent indiqué de l’extraire avant qu’elle ne commence à se déplacer verticalement, mais s’il s’agit d’une autre dent, il est préférable de remplacer la dent manquante pour restaurer la condition d’équilibre qui existait avant l’extraction ou la perte de cette dent. Ceci requiert un remplacement prothétique comme un implant dentaire, un pont fixe, une prothèse partielle amovible ou tout autre moyen suggéré par le dentiste généraliste.
- Une alternative temporaire est d’immobiliser la dent sans appui afin de l’empêcher de migrer. Ceci peut être indiqué pour une dent autre qu’une dent de sagesse en attendant que la dent opposée puisse être remplacée. Dans le cas d’une dent de sagesse, cette solution n’est pas vraiment utile, car il est illogique de remplacer une dent de sagesse manquante par une prothèse (dans le cas d’une dentition complète et normale).
S’il y a le moindre contact ou point d’appui entre une troisième molaire bien sortie et dégagée et une dent opposée, il ne devrait pas être nécessaire de l’extraire ou de l’immobiliser et cette dent pourrait être préservée si elle ne présente pas d’interférences avec d’autres dents pendant la fonction. Le contact vertical entre les 2 dents devrait suffire à stabiliser les deux dents opposées.
Exemples d’éruption excessive à la suite de la perte de dents. Ce phénomène peut prendre plusieurs années à se produire.

(A) Éruption excessive de dents supérieures qui n’ont plus d’appui à la suite de la perte de molaires inférieures. (B) Bouche ouverte : les dents sont tellement descendues qu’elles touchent à la gencive inférieure (cercle). (C) En plus d’allonger vers le bas, les molaires affectées basculent vers l’intérieur.

Perte de dents postérieures chez un adulte. D’un côté (A), la perte d’une molaire inférieure a permis aux autres molaires de basculer vers l’avant. De chaque côté (A et B), les molaires supérieures migrent vers l’espace du bas (extrusion). Ces dents devront idéalement être replacées pour permettre au dentiste de faire un meilleur remplacement prothétique des dents manquantes.

Exemple de mouvement vertical extrême de dents postérieures plusieurs décennies après l’extraction de dents opposées et le non remplacement des dents par une prothèse dentaire. (A, C) Les prémolaires et une molaire ont été extraites de chaque côté à l’arcade supérieure ainsi que les molaires inférieures. Avec les années, les prémolaires inférieures ont migré vers le haut, tandis que la molaire supérieure s’est « allongée ». (B) Vue de face. Un remplacement prothétique des dents manquantes aurait évité ces changements dans la position des dents qui n’avaient plus d’antagoniste à l’arcade opposée. Les corrections orthodontiques sont maintenant beaucoup plus compliquées!
Exemples d’indications d’extraction à l’arcade opposée
Cette femme de 21 ans a 2 dents de sagesse inférieures semi-incluses (*) qui sont partiellement sorties et recouvertes de gencive à l’arrière. La croissance étant terminée, ces dents ne pourront sortir davantage et constitueront toujours un risque d’infection et de carie. Il est dont indiqué de les extraire. Les dents de sagesse opposées, qui sont déjà sorties, devront alors être extraites afin d’éviter qu’elles ne descendent davantage dans l’espace laissé vacant par l’extraction des dents de sagesse inférieures (flèches). |
Une situation particulière
Chaque cas est particulier et doit être évalué comme tel. Dans l’exemple suivant, les dents de sagesse inférieures doivent être extraites pour des raisons évidentes; elles sont semi-incluses et en position horizontale (* bleu et noir en A et B).
– La dent de sagesse inférieure gauche perce en bouche (flèche en D), mais ne sortira jamais complètement.
– À l’arcade supérieure, la première molaire supérieure droite (* jaune en A et C) doit être extraite, car elle est fracturée et irrécupérable (X jaune en A et C).
– Normalement, on recommanderait aussi l’extraction des dents de sagesse supérieures (* vert et rouge en A, B et C), car elles n’auraient pas d’antagonistes, mais vu que la molaire abimée doit être extraite, il fut recommandé de garder la troisième molaire supérieure droite (* vert) et de déplacer les 2 molaires vers l’avant (flèches rouges). Ceci permet de fermer l’espace laissé par la dent extraite et de préserver la dent de sagesse.
– Sur le côté gauche, la dent de sagesse doit être extraite (* rouge), car elle « s’allonge » en l’absence de contact opposé.

Les dents de sagesse inférieures doivent être extraites, mais une dent de sagesse supérieure peut être préservée, car elle sera déplacée vers l’avant en orthodontie.
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